Entrer au service de la reine { Guenièvre

G

iselle n'aurait jamais imaginé que ce jour viendrait. Si elle avait à moult reprise rêvé au prince charmant -du moins, au chevalier servant- elle n'aurait jamais osé se projeter comme habitante de Camelot et suivante de la grande reine Guenièvre en personne. Si elle était issue d'une famille noble, elle avait longtemps été tenue à l'écart du reste de la noblesse, n'ayant pas de mère pour la présenter au reste de la société. Vivre seulement avec des hommes -et des serviteurs- avait fait de la jeune Gabet une fille gâtée mais aussi quelque peu ignorante du monde en dehors de sa demeure. Alors qu'elle avance dans les couloirs somptueusement décorés, elle ne peut que craindre de faire une erreur qui la renvoie aussi vite loin de cette chance incroyable... La damoiselle, aussi bien élevée soit-elle, n'avait pas l'habitude de passer plus de quelques heures à Camelot. Mais cette fois, elle y resterait...

... Une chance unique mais aussi une grande source de préoccupation.

Tout cela grâce à Gaspard. Qu'aurait-elle donc fait, sans lui ? Giselle avait conscience qu'il s'inquiétait pour elle, et que lui avoir négocié une place comme dame de compagnie était sa façon de le montrer. Avait-il seulement conscience à quel point cela était important pour elle ? Ce serait la première fois qu'elle pourrait voler de ses propres ailes... Qu'il la laisserait respirer et être plus qu'un spectre admirant le monde de loin avec un regard tristement rêveur... et la peur continue qu'on découvre sa nature de sorceresse.

Gaspard avait eu raison sur un point au moins... Depuis qu'elle avait appris qu'elle entrerait au service de la reine, Giselle était trop nerveuse pour s'apitoyer sur son  sort. Sa peine était toujours là, mais mise de côté par les préparatifs et tous les rêves éveillés à imaginer sa vie au château. Peut-être rencontrerait-elle l'amour, comme dans toutes ces histoires chevaleresques ? Une dame de compagnie avait bien plus de chance de rencontrer un sir courtois.

Elle approche enfin de la porte des appartements de la reine. Elle avait vêtu une de ses robes préférée pour l'occasion, puisqu'il fallait être convenable pour apparaître en compagnie de la reine. Elle faisait toujours attention à son apparence, même si elle était seule à la demeure des Gabet, mais elle craignait que ses tenues habituelles soient trop simples pour apparaître à la Cour du Roi Arthur et de la Reine. Celle qu'elle avait choisie était assez simple, sans broderies, d'un bleu pâle, les longues manches trainaient presque au sol, quelques discrètes perles brodées à la ceinture... Elle n'était pas exactement à la dernière mode de la capital et espérait que cela suffirait.. Lorsqu'elle entre dans la pièce après avoir été invitée, son masque faussement calme manque de se fissurer, impressionnée par la souveraine de toute beauté qu'elle voit pour la première fois d'aussi près.

Avec un sourire courtois mais timide, Giselle fait la révérence comme il se doit, ses yeux baissés sur le sol... Le cœur battant comme une hirondelle, entre excitation et nervosité, elle répète les mots qu'elle avait préparé -après moult et moult essais devant son miroir, à tenter d'imaginer ce qui était le plus juste de dire : « Majesté... C'est un honneur pour moi et ma famille d'entrer à votre service. » Giselle était sincère, sa voix douce pas beaucoup plus élevée qu'un fort murmure. « Je vous suit reconnaissante, je vous promet d'être digne de la confiance que vous m'accorderez. » Malgré la très bonne réputation de Guenièvre, adulée par ses sujets, Giselle ne pouvait pas s'empêcher d'être tout à fait intimidée.

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