On ne peut pas tromper tout le monde [pv Merlin]

M

anon avait fait preuve de la plus grande discrétion, du moins le pensait-elle, en abandonnant les murs du château. Elle ne rechignait pas à travailler plus longtemps et à ne pas compter ses oeuvres, si Guenièvre le lui demandait, mais ce soir-ci, elle s'était montrée particulièrement ponctuelle. Et pour cause, elle avait rendez-vous, un rendez-vous dont elle ne devait apprendre à personne la nature mais auquel elle n'avait pas l'intention d'arriver en retard. Elle et Ena avaient en effet convenu de se rejoindre, et étant donné ce que pourrait bien être la nature de leur conversation, mieux valait que personne ne la surprenne. Mais cette fois, la servante de la reine n'avait pas été assez prudente. Peut-être parce que, ces derniers temps, depuis son retour de congé, à vrai dire, elle avait abandonné certaines de ses vieilles habitudes pourtant salvatrices : elle, si constamment sur le qui-vive, avait relâché l'attention. Elle n'était pourtant pas sans savoir que certains la soupçonnaient bel et bien, à commencer par le chevalier Gaspard, qui la poursuivait de ses insistances, au point de frôler le harcèlement. Mais en même temps que la culpabilité finissait par devenir chaque jour plus supportable (elle pouvait à présent regarder Guenièvre dans le blanc des yeux sans se détester mentalement de lui avoir fait beaucoup de mal, d'avoir été la cause de ses plus grandes souffrances). Alors oui, elle baissait sa garde, et quand elle avait dépassé les portes du château, enfonçant son capuchon sur sa tête, avant de s'enfoncer dans la nuit noire et épaisse, tombée depuis plusieurs heures déjà, elle n'avait pas tout de suite constaté qu'elle était suivi.

Elle avait déjà marché plusieurs mètres dans la cité de Camelot, quand elle ressentit finalement cette impression inconfortable. Ce n'était pas la première fois qu'elle avait cette impression, et elle savait que ces impressions n'étaient pas toujours fondées. Surtout quand elle était dans ses phases de paranoïa aiguë, où elle avait le sentiment que le monde entier l'épiait, mais dans le doute... Elle ne pouvait pas laisser sa place au doute, non, car il pourrait en découler son déclin fatal, alors elle dévia de son intention initiale et changea de direction, s'éloignant un peu du lieu de rendez-vous. Elle ne voulait pas, vraiment pas qu'Ena ait à payer son absence d'attention. Ce fut quand elle fut suffisamment loin qu'elle osa se retourner, et aperçut effectivement une silhouette à distance. Manon fronça les sourcils. Elle avait le sentiment de la reconnaître.

-Merlin ?

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