Il faut savoir tourner la page (Keu)

Il faut savoir tourner la page

Keu avait beau avoir été nommé sénéchal par son frère, ce dont il le remerciait sincèrement, ses journées étaient loin d’être surchargées, et pour cause, il n’avait pas vraiment de choses importantes à gérer. Alors il se faisait lui-même ses journées, tentant de s’occuper comme il le pouvait, ce qui n’était pas si difficile. Keu était capable de s’amuser de pas grand-chose, même s’il se laissait tout de même rapidement. En tout cas, il n’aimait pas beaucoup rester seul. Il préférait, et de loin, se tenir en bonne compagnie. Que ce soit profiter de la compagnie et la chaleur des dames, ou bien tout simplement, passer du temps avec les hommes qu’il appréciait. Et à leur tête, se trouvait bien sûr Arthur, son frère. Adoptif peut-être, mais son frère tout de même. Mais l’ennui, c’était qu’Arthur était roi, et donc, qu’il n’avait pas souvent de temps à tuer, parce qu’il avait beaucoup de responsabilités. Et son Graal à rajouter, cela lui faisait tout de même beaucoup de choses auxquelles penser.

Keu était un homme qui se vexait facilement, et qui était sujet à faire des caprices, mais il savait aussi faire la part des choses, et il comprenait qu’Arthur n’avait pas tout son temps à lui consacrer. Ce qui avait pu être le cas durant leurs jeunes années. Il respectait donc le fait qu’Arthur ne soit pas à sa disposition, mais en échange, son frère ne devait pas le négliger non plus. En tout cas, Keu passait tout de même beaucoup de temps au château, pour avoir la chance de peut-être croiser son frère. Ce qu’il y avait de bien, c’était qu’il y avait tout de même beaucoup de choses à faire, et surtout des gens à rencontrer. Keu était tout de même quelqu’un de sociable. Il appréciait discuter avec les gens, les rencontrer, apprendre à les connaître.

Mais il y avait aussi certaines personnes que Keu n’aimait pas du tout, et qu’il croisait plus ou moins régulièrement, quand il se rendait au château. Il n’aimait pas tout le monde dans l’entourage d’Arthur, c’était le cas de le dire. Ce n’était même pas de la jalousie, parce qu’il appréciait beaucoup Guenièvre et il savait son frère amoureux d’elle, mais il n’avait pas confiance en certaines personnes de son entourage. Il n’irait pas non plus dire qu’ils étaient des traitres, il n’en savait strictement rien, mais il ne les sentait pas. Après, son frère faisait ce qu’il voulait. Et en parlant de personnes qu’il n’appréciait pas particulièrement…

« Bonjour Messir Keu. Savez vous où se trouve votre frère ? »

Keu n’aimait pas beaucoup Urien, et c’était sans doute réciproque. Pourquoi il ne l’aimait pas ? Déjà parce qu’il était marié à Morgane. Ensuite, parce qu’au début du règne d’Arthur, Keu se souvenait très bien qu’Urien n’était pas du côté d’Arthur. Il s’était opposé à ce dernier, en tant que roi, puis il avait retourné sa veste. Keu n’était pas certain que ce soit la preuve qu’il soit un homme fiable, pour tout dire, et il s’en méfiait donc.

« Seigneur Urien, bonjour. Non, je suis désolé. Je suppose qu’il doit être très occuper par ses obligations. Je ne l’ai pas croisé aujourd’hui. Vous vouliez le voir pour quelque chose d’important ? »

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Keu ne sautait pas de joie à l’idée de se retrouver devant Urien. Ce n’était pas du tout l’un des hommes d’Arthur que le sénéchal appréciait le plus. Et pour cause, Urien n’avait pas été très loyal à Arthur, lors de son couronnement. Si Keu n’avait pas non plus sauter de joie, pour des raisons de jalousie et d’injustice, jamais il ne lui serait venu à l’idée de lui tourner le dos. Urien avait été parmi les plus virulents, ce qui n’avait pas plus à Keu. Le savoir si proche de lui maintenant ne le rassurait pas. Arthur avait probablement ses raisons pour lui faire confiance, et Urien avait peut-être véritablement changer d’opinion, mais cela ne lui plaisait tout de même pas. Il n’avait bien sûr pas son mot à dire, mais Keu ne s’était jamais empêché de donner son opinion sur quoique ce soit. Autant le dire. Et puis, Urien était l’époux de Morgane, cela jouait donc encore moins en sa faveur aux yeux de Keu.

Keu ne supportait pas cette femme, et elle était vraiment nocive pour Arthur. Déjà, le fait qu’elle soit de son sang l’agaçait énormément, mais elle ne niait pas ne pas être de son côté. Et Keu savait qu’elle tourmentait beaucoup son frère, ce qui n’était pas du tout une bonne chose. Il ne pouvait rien faire contre elle, mais Keu aimerait que son frère agisse la concernant. Et concernant d’autres personnes qui étaient plus que louches.

« Effectivement. J’aurais bien aimé pouvoir le croiser avant la réunion des chevaliers de cette après-midi. Enfin, je vous dis ça mais vous ignoriez peut-être que nous avions une réunion cette après-midi. »

Ça ne le surprenait pas. Urien était un idiot à ses yeux, se croyant au-dessus de tout et tout le monde, parce qu’il avait des terres et des titres. Intellectuellement en revanche, il était bien faible. Keu se fichait qu’on ne le pense pas légitime, parce qu’il était un paysan, et parce que ce n’était que son lien avec Arthur qui l’avait mené là où il était. Il se fichait de leurs avis, lui n’en avait pas de meilleur les concernant. Si Urien voulait jouer à ce jeu-là, Keu n’y voyait pas d’inconvénient. Et au final, même s’il avait su où Arthur se trouvait, il ne le lui aurait pas dit. Quitte à ce que ce soit vraiment important, tant pis. Il adressa un léger sourire à son interlocuteur.

« Je l’ignorais. Vous savez, je trouve ça curieux. J’ai croisé votre épouse il y a quelques jours, et à vous voir là, c’est amusant de voir à quel point vous êtes compatibles tous les deux. »

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Keu n’appréciait pas du tout Urien de Gorre. Ni son épouse. Pour ce qui était du gamin, il n’avait pas de vrais rapports avec lui, mais de ce qu’il avait déjà entendu, il n’avait rien à voir avec ses parents. Ce qui était une bonne chose pour lui. Keu était tout de même désespéré de voir qu’il y avait autant de personnes déplorables auprès de son frère. Arthur était trop bon, il voulait sans cesse voir le bon en chaque personne, et leur laisser une seconde chance, mais il devait tout de même prendre garde, ou cela allait définitivement finir par lui porter préjudice.

Quoiqu’il en soit, certaines familles feraient mieux de rester dans leurs patelins et ne pas s’approcher de Camelot. Les habitants, et Arthur, ne s’en sortiraient pas plus mal. Mais ils avaient bien du mal à s’en rendre compte, et faisaient toujours acte de présence quand personne ne leur demandait rien. Arthur avait même fait d’Urien l’un de ses chevaliers… une idée stupide selon Keu. Arthur aurait plutôt dû montrer que ceux qui s’opposaient à lui devait mériter la disgrâce, mais bon, son frère et lui avaient toujours été très différents sur certains points.

« Vous nous trouvez compatibles ? »

Oh oui, lui et son horrible épouse se ressemblaient bien plus qu’ils ne pouvaient le soupçonner. Il savait bien qu’ils ne s’entendaient pas mais cela n’empêchait pas qu’ils avaient tout de même quelques points communs. Assez flagrants même, pour Keu. Il n’était peut-être pas objectif, puisque ses ressentiments étaient très présents, mais il n’avait aucune envie de devoir faire la part des choses.

« Peut-être qu’il serait bon que vous preniez du… repos, s’il vous arrive ce genre de chose. »

Et voilà qu’en plus il prenait ses grands airs. Keu ne le supportait vraiment pas. Comme la plupart des nobles. A cause de leurs rangs, ils pensaient qu’ils pouvaient prendre de haut tout le monde et se comporter de manière totalement abjecte avec les gens du peuple. Mais Keu n’était pas du genre à se laisser impressionner, ou écraser par ces gens-là, au contraire. Cela n’en était que beaucoup plus jouissif, de leur rentrer dedans afin de les remettre à leur place.

« Bien sûr, vous avez la même fourberie dans le regard, le même sentiment qui pousse les autres à ne pas vous faire confiance. C’en serait presque fascinant. Comme quoi vos stupides petites querelles n’ont peut-être pas lieu d’être. »

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