Les bonnes manières Richard - Ombeline

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es jours passaient et se ressembleraient presque tous. Presque mais pas tout à fait. Ombeline y trouvait son compte, ravie d'être débarrassée d'Obéron, d'évoluer librement au sein de son propre domaine, de ne plus avoir à manigancer des heures durant pour avoir l'occasion de passer ne serait-ce que quelques minutes d'instants privilégiés en compagnie de Pellinore. Les jours passaient et se ressemblaient presque tous, mais ils ne ressemblaient plus à ce qu'ils avaient été, alors qu'il leur fallait faire face aux pires incertitudes, à leur crainte que leurs plans échouent. Elle avait encore des projets, il est vrai, pour son frère, pour son enfant à naître, pour Autice, pour les pouvoirs politiques qu'ils gagneraient au fil du temps, mais chaque chose en son temps. Elle acceptait d'y aller étape par étape, et pour le moment, tout se passait très exactement comme elle l'entendait. Et elle était convaincue que la suite ne saurait qu'être intéressante.

Elle était donc de relativement bonne humeur alors qu'elle profitait d'un moment d'accalmie pour prendre un peu l'air. Une fois de plus, c'était pour elle simplement l'occasion de passer un peu de temps seule. Elle avait toujours été ainsi, elle serait toujours ainsi, elle avait besoin de passer du temps avec elle-même. Oh, elle savait que ça finirait par ne plus être possible... Mais avec son enfant, elle ne pensait pas que ce serait quelque chose de difficile, vraiment pas. Parce que sa chair et son sang, elle l'aimerait comme elle aimait profondément le père de cet enfant. Elle le savait pertinemment. Elle avait hâte de pouvoir tenir enfin son enfant dans ses bras, de pouvoir les serrer contre elle. Elle était impatiente comme personne d'autre.

Alors qu'elle marchait, songeant ainsi au futur qui s'annonçait, elle retrouva une silhouette familière. Richard Arwen. Tiens. Elle ne pensait pas le revoir de sitôt. Elle avait de leur dernière (et première) conversation un souvenir... mitigé. Elle avait senti que leurs histoires similaires auraient tout à fait pu les rapprocher, en revanche, elle n'avait absolument pas accepté son comportement à son adresse. Elle ne savait que penser de leurs retrouvailles, d'autant qu'il lui assurait qu'il la cherchait.

-Vous me cherchiez ? répéta-t-elle, sur la retenue, attendant de savoir ce qu'il pourrait bien avoir à lui dire. Pour quoi donc ?

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our lui plaire un peu, Richard avait encore beaucoup de travail à fournir. Ombeline n'avait pas apprécié son attitude de la dernière fois. Pourtant, elle pouvait bien leur reconnaître des points communs. Elle admettait même qu'ils seraient susceptibles de s'entendre... Mais Richard manquait singulièrement de... savoir-vivre, et elle n'aimait pas ne pas savoir sur quel pied danser avec lui. Devait-elle lui faire confiance ? Ou bien s'inquiéter de ses intentions ? Elle n'était pas née de la dernière pluie. Son innocence envolée de longue date avait suffi à la mettre en garde contre elle-même et contre les hommes qui croisaient sa route. Elle ne dit rien, elle attendit qu'il reprenne la parole. Il ne la convaincrait pas de s'en faire une amie en quelques mots seulement, ça ne fonctionnait pas comme ça.

Il reprit la parole, donc, et lui formula une requête assez singulière, à laquelle la souveraine d'Autice ne s'était pas attendue le moins du monde. Il voulait qu'elle lui apprenne les bonnes manières, à se comporter, se vêtir et s'exprimer en société. La jeune femme avait bien envie de lui rétorquer qu'il pourrait se tourner vers des personnes dont c'était le métier, mais en réalité, Ombeline était assez curieuse de savoir ce qu'elle pourrait faire de lui s'il obéissait à ses directives. L'idée même de pouvoir métamorphoser un homme était assez plaisante, lui conférait un certain sentiment de pouvoir qui n'avait rien pour lui déplaire, bien au contraire.

-Pour vous intégrer, vous n'aurez d'autre choix que de ressembler à un pantin, j'en ai peur, répondit Ombeline en premier lieu. L'essentiel est d'en avoir conscience.

Car évoluer au sein de la noblesse, c'était déambuler parmi les pantins. Mais on pouvait très bien s'en sortir, il suffisait de repérer les ficelles... et si possible d'en tirer quelques-unes. Elle marqua une légère pause, toisa son interlocuteur. Sur le principe même, la proposition était tentante. Mais elle avait déjà ses obligations, et elle ne voulait pas oeuvrer à son côté, pour rien, elle voulait en retirer quelque chose. Ombeline ne faisait jamais rien sans rien. Et cette fois-ci ne dérogerait bien évidemment pas à la règle.

-Mais qu'aurais-je à y gagner, exactement ? Si je choisis de vous consacrer de mon temps et de mon attention, j'estime logique d'obtenir une contrepartie.

Et elle ne savait pas vraiment s'il possédait quoi que ce soit qui sache l'intéresser.

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ue Richard n'ait pas même réfléchi à la contrepartie qu'il pourrait être en mesure de lui accorder en échange des services qu'elle se disait potentiellement prête à lui rendre en disait long sur son personnage, qu'Ombeline commençait à cerner doucement mais sûrement, même s'il lui restait beaucoup à apprendre encore. Certes, la jeune femme aurait pu s'offusquer d'un tel procédé, qui témoignait d'un culot manifeste, mais finalement, elle n'avait rien contre un peu de culot tant qu'il était convenablement dosé, et surtout, qu'elle pouvait s'en servir en sa propre faveur.

En l'occurrence, dès l'instant où l'homme lui demanda ce qu'elle pouvait demander en échange, Ombeline sentit qu'ils seraient capables de s'entendre. Certes, elle était souveraine de ses terres, elle observait de près la situation géo-politique et sociale d'Autice, elle jouait les interfaces avec la famille royale (même si elle était restreinte dans ses capacités par une grossesse qui progressait à grands pas, pour son plus grand plaisir), elle était une future mère, elle avait normalement mieux à faire que d'enseigner les bonnes manière au premier presque-étranger venu qui certes était de noble extraction mais lui avait fait tout sauf une bonne impression lors de leur première rencontre. Mais si la contrepartie était digne d'intérêt...

-Je saurais faire usage d'un mercenaire, s'il se mettait entièrement à mon service ainsi qu'à celui de mon frère, admit Ombeline, qui en effet, pensait pouvoir faire bon usage des compétences de Richard, qu'elle avait effectivement pu observer en action. Pour peu que j'aie l'assurance de votre entière discrétion.

Ce qui restait relativement incertain. Après tout, l'homme était loin d'avoir encore gagné sa confiance. Mais lui laisser le bénéfice du doute pourrait lui être bénéfique. Et à Pellinore également. Quant au fait de réussir ou non à civiliser son interlocuteur, elle se sentirait presque affligée qu'il remette en cause ses compétences. C'est qu'Ombeline s'estimait absolument capable de tout, à la vérité.

-Je suis déjà venue à bout de tâches bien plus ardues, estima-t-elle alors simplement, gardant la plus entière neutralité de ton. Suivez-moi, pour commencer, il va falloir vous accoutrer convenablement.

Car si cette tenue pouvait être acceptable pour jouer les incognitos, elle ne pourrait certainement pas être acceptable même pour un homme de cour.

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mbeline hocha simplement la tête quand Richard lui proposa son bras. L'homme avait encore de nombreux progrès à faire, c'était pour elle une certitude, mais le simple fait qu'il lui demande permission afin de procéder à ce geste de galanterie qui ne prêterait pas à équivoque (puisque nombre d'hommes lui tendaient le bras dans des circonstances similaires, et qu'elle trouverait pour la peine relativement inconvenant qu'on ne le fasse pas, surtout maintenant qu'elle était enceinte), cela prouvait qu'il avait tiré déjà certaines leçons de leur première entrevue. Le labeur était loin d'être achevé pour autant, mais il fallait savoir apprécier même les moindres succès. Pour le moment du moins. Richard devenait pour elle une épreuve à passer, un défi personnel à relever, et puisqu'elle était joueuse, mais surtout puisqu'elle adorait gagner, elle avait la ferme intention de ne rien laisser passer à cet homme qu'elle se donnait la mission d'éduquer.

-Vous serez bien le premier mercenaire qui se découvrirait une conscience morale, répondit Ombeline alors qu'ils cheminaient jusqu'à la demeure des seigneurs d'Autice.

Le prendre pour mercenaire s'il ne versait ni dans l'indécence, ni dans la violence ? Elle gageait que cela ne lui serait pas franchement utile, pour tout dire. Le travail de mercenaire - si l'on choisissait de le considérer comme tel - exigeait au regard d'Ombeline, sur le principe, de se salir les mains. Malgré tout, et même si les conditions de son interlocuteur ne lui plaisaient pas tant, elle ne reviendrait pas sur leur accord officieux, ne serait-ce que parce qu'elle voyait quelques avantages malgré tout à ce que Pellinore et elle l'aient à leur disposition.

Tous ceux qu'ils croisèrent s'inclinèrent sur son passage et lui présentèrent leurs hommages, auxquels Ombeline répondit toujours avec la plus grande élégance et toute la dignité qui convenait à son rang.

-Je ne reviendrai pas sur notre accord, attendons seulement de voir si vous êtes un cas désespéré ou non, se contenta-t-elle d'ajouter tandis qu'il pénétraient son domaine. Elle le guida à travers un dédale de couloirs jusqu'à une salle aux murs de pierre contre l'un desquels reposait une imposante armoire. Des vêtements luxueux entassés, qui avaient appartenu à son défunt mari, attendaient qu'on les porte. Essayez ceci, dit-elle après lui avoir choisi une tenue. Appelez-moi quand vous serez visible, ajouta-t-elle en quittant la pièce afin de laisser l'homme se changer.

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mbeline attendait patiemment que Richard l'autorise à retourner dans la pièce. Elle ne savait pas vraiment à quoi elle jouait présentement, mais elle pouvait reconnaître malgré tout que le jeu en question l'amusait assez. C'était comme jouer avec une poupée grandeur nature. Elle ne savait pas si elle serait vraiment capable de façonner le jeune mercenaire à son image, mais c'était un challenge personnel qu'elle trouvait assez divertissante. Elle était plutôt impatiente d'en parler avec Pellinore. Tous deux pourraient en rire de conserve. Ombeline n'était pas partageuse, sauf avec son frère. Si lui-même devait trouver divertissant de mettre son grain de sel dans la... rééducation de Richard, alors il serait plus que bienvenu. Mais commençait par la tenue était bien sûr important.

Quand l'homme l'autorisa à rentrer, la souveraine d'Autice s'exécuta. Elle le jaugea de haut en bas, de bas en haut. Elle n'aurait pas vraiment parié là-dessus, mais les tenues d'Obéron allaient plutôt bien à Richard. La chemise mériterait peut-être d'être un peu plus ajustée, mais dans l'ensemble le résultat était tout à fait convenable. En tout cas largement plus acceptable que les fripes qu'il portait auparavant. Ce qui en soi n'avait rien de particulièrement surprenant non plus. Ils partaient de loin, c'était aussi ce qui lui plaisait dans ce défi personnel qu'elle avait fait le choix de se lancer.

-Nouvelle leçon, si une question est susceptible d'être indiscrète, ne la posez pas, répondit-elle simplement en tournant autour de Richard afin de jauger totalement le résultat.

Elle n'avait pas envie de répondre à cette question. Et pour cause, elle ne voulait pas qu'une mauvaise interprétation soit faite de la situation. Si elle lui cédait les vêtements de son défunt mari, c'est qu'elle se fichait éperduement de lui manquer de respect par-delà la mort. Mais d'autres pourraient bien s'offusquet d'une telle légèreté.

-Si vraiment vous voulez obtenir ces réponses, arrangez-vous pour les soutirer autrement. Elle se plaça face à lui, à une distance de sécurité qu'elle estimait relativement raisonnable. Vous avez déjà meilleure allure, mais votre posture laisse à désirer. Ne vous a-t-on jamais appris de quelle façon vous tenir ? l'interrogea-t-elle alors.

La prestance n'était pas innée, elle s'acquérait à force d'éducation. Faudrait-il en passer par là avec lui ?

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