Trop tendue, la corde casse (Manon :3) (-16)

U

n fin sourire s'afficha sur le visage de Manon quand Ena lui dit l'aimer aussi. C'était des mots qu'elles avaient échangé à plus d'une reprise, et qu'elles s'échangeraient à d'autre moments encore (du moins l'espérait-elle), mais à chaque fois, l'effet sur elle restait le même. Elle se sentait heureuse, soulagée, apaisée, comme si le monde lui appartenait, ou plus précisément leur appartenait. Et entre les bras de la belle dragonnière, elle se sentait à la fois bien, sereine, et invincible. Et elle n'échangerait des instants tels que celui-là contre rien au monde, vraiment rien. Ce moment-là était précieux, et Manon le savourait d'autant plus que, après ce qui leur était arrivé, après la dispute qu'elles venaient d'avoir, elle avait grand besoin de sentir qu'elle comptait encore pour Ena, alors que cette dernière était tout son univers (même si la reine Guenièvre en faisait également partie, ce qui n'avait pas manqué d'engranger quelques fictions entre elles - mais elles sauraient dépasser l'obstacle). Manon ne rompit pas le silence une nouvelle fois. Les mots avaient volé haut ces dernières heures. Il était agréable de mettre de côté toute cette tension pour vivre un moment à ce point doux et simple. Le sentiment qui en résultait pour la jeune femme était indescriptible, tendait presque à la perfection. On courait parfois après monts et merveilles, mais au final, le bonheur tenait à des détails infiniment simples, et qui savaient vous gonfler le coeur d'incommensurables délices. Oui, il n'était plus temps de parler, le silence, quand on était en bonne compagnie, avait quelque chose d'infiniment appréciable, agréable au-delà de tout le reste. Elle ne voulait pas rompre cet instant. De toute façon, qu'aurait-elle pu faire d'autre ? Qu'y avait-il encore à dire ? Elles s'étaient adressé les mots les plus tendres et les plus intenses, tous les autres ne pouvaient apparaître que superflus en comparaison. Certaines personnes, trop loquaces, se perdaient dans leurs paroles au point d'en oublier le sens. C'est certain, Manon n'était pas de ces gens-là.

Alors, bercé par la douce respiration qui gonflait la poitrine de sa maîtresse, Manon caressa doucement son ventre, de la pointe de ses doigts. Ses caresses se firent de plus en plus lentes, pour finalement cesser, sa main reposant simplement sur la peau douce de la jeune femme alors que, savourant un confort et une chaleur sans pareil, la jeune femme s'était tout simplement endormie, sereine et confiante dans tout ce qui devait advenir. Et ses démons, au moins cet instant, l'avaient complètement abandonnée. Elle savourait ce qui devait constamment habiter ceux qui n'avaient pas à subir la moindre préoccupation, qui n'avaient pas de cadavres dans leurs placards ou de lourds secrets à porter. Ce qu'ils devaient se sentir bien et serein, ces gens-là ! Et pour une fois, au moins une fois dans sa vie, elle avait le sentiment d'en être également.

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