Trouver une aiguille dans une botte de foin - Mordred

Trouver une aiguille dans une botte de foin

Edwin est réveillé de la pire manière possible : un coup de pelle non loin de sa tête qui le fait bondir de son lit de pailles aussi dorée que ses boucles indomptables. Le chevalier, qui était juste là dissimulé dans la grosse botte de foin dans un coin des écuries, celle dans laquelle les palefreniers et autres commis à l'entretien des chevaux se servaient pour aller nourrir les fidèles compagnons des nobles -ou pas si noble, dans le cas du blonde surpris et encore groggy qui regardait autour de lui avec un air hagard, tentant tant bien que mal de revenir à lui- chevaliers. Le chevalier, qui, décuvant difficilement de sa soirée forte en rires et alcool, avait décidé de finir la nuit dans le foin plutôt qu'au fond de son lit, revenant à ses racines en quelque sorte. Il ne s'était jamais fait aux lits de plumes, préférant dormir à même le sol ou à la pleine étoile... L'une des nombreuses lubies qui faisait qu'on continuait de lui jeter des regards en biais, chevalier ou non.

Il cligne des yeux et fixe le jeune homme devant lui, dont il reconnaît le rang à sa tenue. Et aussi à la tâche en cours, qui avait failli coûter un œil en moins, ou au moins un sommeil un peu plus lourd. Son sourire mutin habituel finit par étirer ses lèvres sèches (à cause de toute cette bière, bénie soit-elle sauf après coup) lorsqu'il reconnaît l'écuyer en question. Il ne lui avait pas parlé plus qu'à un autre, mais il l'avait remarqué, évidemment. Mordred était particulièrement beau, pour un humain. Et les ennemis de ses ennemis étaient ses amis, même si ceux-ci ne le savaient pas encore. Tout être qui antagonise Gaspard Gabet attirait l'empathie d'Edwin, c’est une obligation. Ce qui voulait dire, en soit, que malgré son plaisir continuel de chercher des poux à tous et toutes, il avait une forte tendance à prendre la défense des écuyers, quel que soit leur naissance, encore plus s'ils étaient sans noblesse, comme Edwin avant eux. Ne serait-ce que pour s'opposer à Gaspard qui prenait un malin plaisir à leur mener la vie dure ! Non, Edwin, lui, aimait les écuyers, sauf lorsqu’ils se prenaient déjà pour des grands chevaliers, aveuglés par leur orgueil de petits nobles ambitieux. Tout le monde n’avait pas l’étoffe pour devenir un chevalier de la Table Ronde, après tout. Mais Mordre, et bien, en plus de flatter le regard, avait du potentiel, à ce qu’il avait aperçu.

« Wow, wow, tout doux, écuyer ! Sais-tu qu'attenter à la vie d'un chevalier est passible de la peine de mort ? » Il lâche un rire amusé, ou peut-être nerveux, en tout cas pas complètement éveillé, et se frotte l'arrière du crâne en même temps qu'il est pris d'un bâillement monumental. Amusé, il l'était, Edwin, et taquin, dès le réveil. On ne perd pas ses habitudes comme ça ; même avant l'aube, embaumé de l'odeur pas vraiment agréable mais pas non plus insupportable des chevaux, qui était assez normale, dans une écurie. Edwin était habitué, alors il ne s'en offusquait pas. Ce n'était ni la première, ni la dernière nuit qu'il passerait avec les chevaux, que ce soit à cause de l'alcool ou juste par envie d’échapper aux quatre murs de pierre de sa chambrée.

Il s’étire, faisant craquer ses articulations douloureuses, sa chemise froissée tombant à moitié d’une épaule, son épée perdue quelque part dans la botte de foin. Décidément, il n’apprendrait jamais, les réveils étaient toujours difficiles après une nuit de banquet suivie d’une continuité en taverne, avec son cher ami Méléagant, cette fois.

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Les écuyers avaient vraiment les tâches ingrates, il n’y avait pas à dire. Soi-disant que cela les forgeait à la dure vie des Chevaliers… mais Mordred en doutait un peu, fortement même. On leur faisait faire ce que les chevaliers ne voulaient pas faire surtout. Comme ça, ces derniers pouvaient se pavaner et montrer leurs belles armures étincelantes… astiquées par les écuyers. Certes, ils n’étaient pas tous ainsi, mais Mordred avait tendance à souvent noircir le tableau, pour tout. Pourtant, de prime abord, il était venu à Camelot avec le désir de devenir chevalier, d’accomplir de nobles quêtes, de servir le roi… ses rêves avaient tous été réduits à néant par Morgane, quand elle lui avait conter la vérité sur sa naissance et ses origines, mais il ne lui en voulait pas, au contraire. Maintenant, il avait d’autres rêves, celui de voir Arthur mort était par exemple un très bon début. Mais il savait que pour cela, il devait encore patienter quelques temps… cela viendrait, il le savait, il l’avait promis à sa mère, et il se l’était également promis à lui-même. Les crimes du roi ne resteraient pas impunis.

Jamais ce tout jeune homme n’aurait pensé avoir un tel passé, et un tel futur. Tout tracé par d’autres que lui, au final, il n’était pas maître de son destin, mais il l’avait tout de même embrassé. Il ne comptait pas lutter contre, loin de là. Mais pour l’heure, il devait prendre son mal en patience et effectuer ses tâches d’écuyer, car malgré tout, Mordred aspirait toujours à devenir chevalier. Pas pour la gloire ou l’honneur, mais pour accéder à certains privilèges et surtout, pouvoir discréditer un peu le roi et ses nobles chevaliers de la table ronde. Ils ne les connaissaient pas tous, mais il y en avait certains qu’il aurait voulu ne jamais rencontrer. Comme… Gaspard Gabet. Il ne comprenait pas pourquoi ce dernier était aussi acharné sur lui… enfin encore était-il que Mordred n’était pas le seul écuyer à le subir, ils le subissaient tous. Mais il est vrai que Mordred était un jeune homme impertinent, qui ne pouvait s’empêcher de répliquer lorsqu’on l’attaquait. Il était insolent, c’est vrai, mais c’était son caractère. Enfin, c’était surtout toutes les émotions négatives qui tempêtaient en lui qui avaient parfois besoin de s’évacuer un peu, et il faisait comme il pouvait pour ce faire. Mais pour l’heure, Mordred était de corvée aux écuries, et le jeune homme le faisait un peu de mauvaise grâce, et sans grande délicatesse, voulant juste finir au plus vite.

« Wow, wow, tout doux, écuyer ! Sais-tu qu'attenter à la vie d'un chevalier est passible de la peine de mort ? »

Mordred sursauta quand l’homme émergea de la paille. Un chevalier… Qu’est-ce qu’il faisait ici au juste ? A en juger par l’odeur et son état, il ne s’était pas modéré sur l’alcool. Quelle piètre image de la chevalerie… c’était ce genre de choses que le peuple devrait voir, et pas les exploits que l’on racontait, les chansons que l’on chantait à leur nom, avec des faits inventés pour la plupart. Mais bon, il y avait peu de doutes pour que cela se fasse. Quoiqu’il en soit, il observa ce chevalier pour le moins étrange se redresser, restant silencieux pour le moment, ne sachant pas trop s’il devait agir d’une façon particulière.

« Oui je le sais. En revanche, j’ignorais qu’il était de coutume que les chevaliers finissent ivres morts dans la paille des écuries… »

Encore une fois, le caractère insolent de Mordred refaisait surface, sans qu’il ne le contrôle vraiment, mais après tout, à quoi bon ? Il était ainsi, c’était en lui.

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Les yeux levés vers l’écuyer planté devant lui, Edwin se surprend à penser que Mordred pourrait très bien être un natif de l’Autre-monde, il aurait pu être un enfant de fée, comme lui. Mais les liaisons entre fées et humains étaient rares, et encore plus exceptionnels les naissances issues de ces alliances… Il doit cligner les yeux pour éclaircir sa vision et se rappeler qu’officiellement, il est le seul être magique de l’ordre. Et qu’il ne donne certainement pas une très grande image de lui-même, à l’instant, ce qui passe bien au-dessus de la tête d’Edwin. Bien sûr il se souciait de sa réputation, par affection pour sa mère adorée, pour ne pas ternir son héritage ; mais il n’était pas particulièrement ennuyé qu’on sache qu’il fréquentait les classes populaires, se mêlait aux citoyens de Camelot qu’ils soient avec ou sans titre. Edwin n’était pas prompt à juger, qu’il s’agisse des autres ou de lui-même, même s’il avait parfois des opinions préconçues, comme tout le monde. Cela ne l’empêchait pas de se monter ouvert, sauf pour quelques cas, comme Gaspard.

Loin de l’offusquer, la répartie insolente de l’écuyer lui tire un éclat de rire et le surprend agréablement. Il s’arrête rapidement pour grimacer, les sons résonnaient entre ses tempes douloureuses, il avait vraiment abusé des bonnes choses la veille, d’autant plus qu’il n’était pas facilement dominé par l’alcool. « Tu ignores encore bien des secrets sur les us et coutumes des chevaliers… » il dit avec un sourire. Il se lève enfin de son tas de foin sous le regard scrutateur et, semble-t-il, critique, de l’écuyer… Avec un pas un peu hésitant et un équilibre relatif, le jeune chevalier s’en va  plonger son visage dans l’eau que l’écuyer avait amené dans un sceau pour remplir les abreuvoirs des chevaux, afin de chasser les derniers nuages de rêves qui lui murmuraient à l’oreille de retourner dans son étreinte étoilée… Il ressort son visage de l’eau glaciale, rafraîchi et réveillé. « Ah ! » Il secoue la tête comme un chien qui s’ébroue, et dégage de son front ses mèches blondes collées à sa peau à cause de l’eau.

Il se retourne vers Mordred en faisant craquer sa nuque, encore un peu endoloris. L’écurie n’était pas le meilleur endroit pour faire une bonne nuit de sommeil. « Et moi j’ignorais qu’il était de coutume que les écuyers répondent aussi impunément aux chevaliers ! » ajoute-il en cherchant à pousser l’écuyer dans ses retranchements, à voir comment il allait réagir face à la provocation. Il ne résistait jamais à une bonne joute verbale et, surtout, à taquiner son entourage, qu’il le veuille ou non.

Le soleil n’était pas encore levé, une brume épaisse flottait encore dehors, et à part les plus matinaux des serviteurs et écuyers, tout le château était encore endormi. Cela donnait une atmosphère particulière mais très appréciable, un peu mystique et tranquille, qui laissait à Edwin tout le loisir d’écouter le chant des oiseaux. Un sourire empli de contentement aux lèvres, il s’adosse contre le box du cheval le plus proche –un cheval de parade d’un autre chevalier- sortant de sa poche comme par magie une carotte que l’équidé s’empresse de venir réclamer en poussant doucement sa tête de ses naseaux. Avec un regard tendre il ouvre la main pour laisser l’animal prendre la gourmandise. « Bonjour à toi aussi, mon beeau. » Pendant que le cheval mange, il retourne ses yeux vers l’écuyer. « Mais il est vrai que tu es loin d’être la plus coutumière des recrues, Mordred. »

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Mordred restait plutôt inexpressif en cet instant. Cet homme, ce… chevalier, il était vraiment étrange. Non pas à cause de sa condition de fée, même si cela rajoutait, il n’avait rien contre les fées, surtout que sa mère en était une, et il ne réprimerait rien qui vienne de sa mère, absolument rien. Mais sans qu’il ne sache dire vraiment quoi, il le trouvait un peu bizarre, sans que cela soit forcément négatif non plus. Beaucoup pourraient dire la même chose de Mordred. Mais ce dernier n’était pas chevalier, et il n’avait pas le prestige, ou l’obligation d’apparaître sous un certain jour. Pour honorer le roi, et Camelot. Quelle connerie. Mordred n’avait aucune envie de parader en racontant partout que le roi était le meilleur roi, qu’il était fier et honorant d’être sous ses ordres, et qu’il accomplirait tout pour la gloire de Camelot. Quelle connerie, mais quelle connerie. Pourtant, il voulait toujours devenir chevalier, mais pas pour les mêmes raisons qu’avant son arrivée. Maintenant, il voulait être chevalier pour se rapprocher du roi, et accomplir plus rapidement son objectif, et son but. Sa réelle mission.

Mission qu’il avait en commun avec Morgane, sa mère, et qui allait l’aider dans ce processus, il le savait. Et il était certain de ne pouvoir trouver meilleure alliée qu’elle dans toute la Bretagne, et même auprès des dieux. C’était ainsi, Mordred était admiratif, devant sa mère, et pourrait presque lui vouer un culte.

« Tu ignores encore bien des secrets sur les us et coutumes des chevaliers… »

Il n’était pas d’accord avec lui. Il n’était pas chevalier c’est vrai, mais il avait eu le temps et l’opportunité de les observer, et si Arthur voyait Edwin en cet instant, il ne saurait probablement pas très content de lui. Mais bon, ce n’était pas vraiment ses affaires de toute façon. Il l’observe du coin de l’œil, marcher jusqu’au seau d’eau le plus proche. S’il avait su, il lui aurait jeté dessus, cela aurait été plus rapide

« Ah ! »

Il le laissa faire son petit manège sans l’interrompre. Il était vraiment bizarre celui-là, définitivement. Et il se demandait presque qui avait eu l’idée de l’adouber et de le coller à la table ronde. Mais bon, il était bien placé pour savoir qu’Arthur ne prenait pas que des bonnes décisions, loin, très loin de là.

« Et moi j’ignorais qu’il était de coutume que les écuyers répondent aussi impunément aux chevaliers ! »

Mordred ne sourcilla pas. Il était insolent, il le savait, sans qu’il ait besoin que qui que ce soit ne vienne le lui faire remarquer. Et il n’avait aucune envie de changer son comportement pour faire plaisait aux autres. Il n’y avait que Morgane qui avait sa considération, les autres ils pouvaient aller se faire voir, Mordred n’en avait cure. Il observa le chevalier, toujours aussi impassible.

« Vous allez me punir ? »

C’était plus de la provocation qu’une véritable question, parce qu’il ne pouvait pas s’en empêcher, c’était dans sa nature c’est tout. On pouvait l’en blâmer encore et encore que cela ne changerait rien aux faits. Mordred ne changerait pas de comportement, même devant les autres chevaliers. Pourtant, il savait qu’il devait tout de même faire attention et ne pas trop montrer un caractère entêté et peu conventionnel. Mais bon, ce n’était pas le plus évident.

« Bonjour à toi aussi, mon beeau. Mais il est vrai que tu es loin d’être la plus coutumière des recrues, Mordred. »

Il ne savait pas trop ce que cela voulait dire, mais au final, il n’était pas certain que ce soit très important non plus alors, il pouvait bien laisser les choses ainsi. Il n’en prenait pas ombrage, parce que le jeune homme ne se laissait atteindre que par très peu de choses, et venant de peu de personnes, alors ce n’était pas Edwin qui allait le faire craquer.

« Si vous le dîtes. »

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La question de l’écuyer tire un nouveau rire à Edwin. Enfin question, pas vraiment, il reconnaissait là un peu plus d’insolence. Il n’avait aucun instinct de survie, celui-là. Heureusement pour lui, Edwin était loin d’être belliqueux et cette rencontre, aussi brusque soit-elle, l’amusait plus qu’autre chose. Le seul nuage en vue était ce mal de crâne continue qui ne faisait pas de lui le plus frais des chevaliers… Il essuie son visage avec sa tunique blanche alors que le cheval a déjà fini sa gourmandise.

« Je ne suis pas Gaspard, tu ne crains rien. Ni homme à briser les esprits par amusement. » rétorque-t-il à la fois amusé et rassurant… mais surtout amusé. « A moins que tu tentes encore de me transpercer le corps avec une fourche. » ajoute-t-il avec malice, sourire au coin des lèvres. « Dans ce cas-là, sauf si tu sais présenter d’humbles excuses, je suppose que je serais dans l’obligation de faire preuve d’autorité et de justice chevaleresque. » Son ton est faussement sérieux, il jouait seulement avec Mordred. Edwin n’imaginait pas un seul instant que cela puisse se réaliser. Il était un chevalier, mais il n’était pas supérieur aux écuyers, ou au peuple, ou à qui que ce soit. Le principe de supériorité était bancal et ennuyeux, de toute façon. Qu'avait-il de plus ? Une épée et des armoiries ? Rien qui ne mérite qu'on plie le genou devant lui.

Edwin continue d’observer l’écuyer en essayant de retenir le sourire qui lui venait naturellement, plutôt contente d’avoir été réveillé, finalement. Il était toujours agréable d’être accueillir par une telle vue et, c’était l’occasion ou jamais de renforcer les liens avec un de ses peut-être futur confrère de la Table Ronde. Il était toujours appréciable de discuter et s’ouvrir aux autres, Edwin, décidément, s’illuminait lorsqu’il pouvait combler son désir d’affection et de découvertes. Même s’il ne s’agissait pas dans les faits d’une nouvelle rencontre, puisqu’il connaissait déjà Mordred, ils n’avaient pas encore eu l’occasion d’apprendre à se connaître.

Et puis, en y réfléchissant, Mordred lui faisait un peu penser à lui, lorsqu'il était écuyer -ce qui n'était pas il y avait si longtemps. Non, Edwin n'avait jamais été capable de maintenir une telle impassibilité, son visage, toujours, reflétait ses émotions à cœur ouvert. Mais il avait aussi été le "vilain petit canard" parmi les écuyers, l'à part. Mordred l'intriguait beaucoup, mais jusque là il n'avait pas eu le temps d'aller explorer cette nouvelle piste mystérieuse. Être un chevalier n'était pas exactement une partie de plaisir, leurs nombreux devoirs leur laissait peu de temps libre, peu de temps tout court.

Edwin se prend un petit coup de tête de la part du cheval qui en veut plus, et lui répond en caressant tendrement son encolure.

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Mordred ne savait pas vraiment ce qu’il était censé penser de ce… curieux personnage. Il ne s’attendait pas vraiment à cela de la part d’un chevalier de la table ronde. En même temps, il n’attendait rien de particulier de leur part. Ils étaient tous décevants, idiots… des pantins se faisant manipuler par Arthur. Voilà tout. Et certains d’entre eux étaient des vrais cons, c’est vrai. Exemple de Gaspard. Celui-là, Mordred ne le supportait vraiment pas, et tant mieux si c’était réciproque. Gaspard savait lui rendre quelques instants de ses journées plus pénibles, il espérait qu’il en faisait de même avec le chevalier.

« Je ne suis pas Gaspard, tu ne crains rien. Ni homme à briser les esprits par amusement. A moins que tu tentes encore de me transpercer le corps avec une fourche. Dans ce cas-là, sauf si tu sais présenter d’humbles excuses, je suppose que je serais dans l’obligation de faire preuve d’autorité et de justice chevaleresque. »

Le jeune écuyer ne le prenait pas au sérieux. Comment pourrait-il le prendre au sérieux, alors qu’il l’avait trouvé endormir dans le foin ? Quoiqu’il en soit, Mordred ne comptait pas présenter des excuses, il n’avait rien fait qui pourrait le mériter. Certes, il était insolent, mais c’était dans sa nature, et il ne craignait pas du tout le blond. Cela dit, il ne craignait pas Gaspard non plus. Même si ce dernier démontrait toujours de sa volonté à jouer les intimidateurs, Mordred ne se laissait pas prendre au jeu. Ce serait une perte de temps, et lui accorder bien trop d’importance.

Et ce n’était pas du tout une envie pour Mordred. Il avait d’autres choses, bien plus importantes à accomplir. Et ce serait une perte de temps, très clairement. Mordred ne devait se consacrer qu’à sa vengeance, et c’est ce qu’il faisait ou presque, il s’octroyait tout de même quelques divertissements. Mais étant donné qu’il ne pouvait pas voir sa mère autant qu’il le voulait, cette dernière résidant principalement à Gorre à son plus grand déplaisir, il devait avoir de quoi la rendre un peu plus fière de lui lorsqu’ils pouvaient enfin se retrouver.

Mais pour en revenir au chevalier qui lui faisait face, Mordred était tout de même un peu curieux, et il ne savait pas exactement ce qu’il devait penser de lui. Il ne comptait pas se faire des amis, cela n’aurait pas vraiment d’intérêt pour le moment, mais il ne lui serait pas non plus utile de se créer des animosités gratuitement, même s’il avait poussé Yvain un peu à bout et que ce dernier devait le détester, c’était une toute autre chose. Etant donné qu’il était son demi-frère, même si l’aîné des deux n’en savait rien.

« Je ne crains rien. Et je n’ai rien tenté du tout contre vous. Ce n’est pas ma faute si vous vous trouviez là où vous n’étiez pas censé être. Vous êtes entièrement responsable de ce qui aurait pu se produire. »

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